14 Février 2014
Caïus, l’héritier
Caïus est le fils de Serro. L’héritier de Crozant. C’est un enfant, qui va grandir au cours du roman. Mais il est aussi le petit maître. L’histoire se chargera de lui faire subir de lourdes épreuves, mais aussi des expériences heureuses, dont il sortira transformé. Mais lesquelles des deux auront le dernier mot ?
Il est toujours accompagné de sa petite esclave, de deux ans sa cadette, Franca.
Tous deux sont parmi les plus librement imaginés du roman.
« Caïus se chargeait d'ailleurs de lui rappeler régulièrement sa condition dès qu'elle prenait un peu trop d'importance et de libertés. Par exemple, quand ils pratiquaient un jeu d'adresse, et qu'elle gagnait – il était malhabile.
« Tu as triché, et un esclave qui triche mérite une punition ! Tu resteras debout sur un pied, les bras en l'air, jusqu'à ce soir ! »
Bien entendu, il se lassait vite – très vite – de ne plus avoir son jouet, et il recourait promptement à une commutation de peine, la condamnant à lui cueillir des pommes sur l'arbre, ou à courir à quatre pattes chercher et ramener entre ses dents un morceau de bois qu'il lui lançait, comme à un chien. Ordinairement, elle s'exécutait de bonne grâce, et considérait plutôt la « punition » comme un jeu qui faisait plaisir à Caïus. Et elle aimait bien Caïus. Une fois pourtant, elle s'était rebellée. Il avait voulu la faire courir à quatre pattes, nue, parmi les cochons. Elle lui avait dit :
« Si tu me prends pour un cochon, tu n'as qu'à jouer avec les cochons. »
Et elle s'était mise à pleurer, humiliée dans sa condition même, dépitée de se voir rappeler si brutalement et cyniquement à son statut de bétail humain par celui dont elle espérait, au fond, un peu d'affection.
Interloqué par la tournure que prenaient les événements, Caïus resta d'abord muet. Puis il se sentit fondre, à son corps défendant, dans ces larmes qu'il avait fait couler, et il se rendit compte, avec stupéfaction, qu'il aimait son petit souffre-douleur préféré. Comme il était hors de question qu'il puisse perdre la face – et son autorité – il finit par dire : « Bon ! » Il racla sa gorge qui se nouait un peu. « Je veux bien, pour cette fois, te faire grâce. Mais à condition que tu me racontes une histoire que je ne connais pas. »
Une vague de bonheur se noya dans les yeux inondés de Franca :
« Une histoire vraie ?
– Non ! une que tu inventes ! »